La croissance économique libanaise, en ralentissement depuis 2011 suite aux printemps arabes, au conflit syrien et aux tensions politiques internes, a connu une nette détérioration en 2019, les difficultés économiques se mêlant à une crise politique et nourrissant de virulentes revendications sociales. Estimée à 0,3% en 2018, la croissance du PIB s’est élevée à 0,2% en 2019 et ne devrait que faiblement augmenter en 2020 (0,9%) et 2021 (2,3%) selon les prévisions du FMI. Les moteurs traditionnels de la croissance au Liban (immobilier, construction et tourisme) sont au point mort et le secteur bancaire jusqu’ici loué pour sa résilience s’est révélé vulnérable, laissant entrevoir des perspectives inquiétantes pour la croissance.
Une crise de l’endettement
Le Liban croule en effet sous une dette de plus de 86 milliards de dollars, soit un peu plus de 150 % du PIB. Ce taux est comparable à celui de la Grèce en 2010 lors de la crise de la zone euro. D’où vient cette crise de la dette ? La classe politique libanaise, selon Samir Aïta, est responsable de cet emballement. « L’Etat a eu des dépenses exagérées. Le gouvernement central emprunte aujourd’hui pour rembourser ses emprunts. L’Etat n’a pas été géré de manière professionnelle. Des lois de finances sont votées par le parlement.Ces lois qui programment dépenses et ressources de l’Etat ne sont jamais appliquées. Pire, les budgets ne sont ni clos, ni publiés. Nous ne savons pas depuis plus de 10 ans comment est dépensé l’argent public. Personne n’a accès à l’exercice comptable budgétaire de 2018, par exemple, de l’Etat central », avance Samir Aïta . «Cette mauvaise gouvernance, ce manque de transparence est à l’origine de la crise de la dette du pays », dénonce Samir Aïta. «Les créanciers se méfient et donc l’Etat libanais doit payer des taux d’intérêts élevés pour financer sa dette ».
Des politiques économiques et financières inefficaces
Dans ce contexte, la continuation des politiques économiques actuelles conduira le pays sur la voie de l’implosion économique et sociale et de la désintégration politique. Plus précisément, nous prévoyons sept conséquences :
– L’économie connaîtra une profonde récession. Les pénuries de dollars obligeront l’économie à s’adapter à une baisse importante des importations. Les contrôles des banques et des capitaux ont déjà durement touché une économie fortement bancarisée — les fermetures d’entreprises, les réductions de salaires et les licenciements sont déjà devenus courants. Le secteur public se repliera en raison de conditions de financement difficiles. Dans ce scénario, nous prévoyons que l’économie devrait connaître une contraction à deux chiffres en 2020, c’est-à-dire une récession équivalente à ce que les États-Unis ont connu pendant la Grande Dépression des années 1930.
– La livre libanaise s’affaiblira fortement pour équilibrer l’offre et la demande de dollars. Si les politiques économiques et financière actuelles restent inchangées, celle-ci devrait fortement chuter, allant jusqu’à perdre, selon nos prévisions, jusqu’à la moitié de sa valeur, conduisant à une inflation élevée. Cela aura un impact négatif massif sur le coût de la vie et la disponibilité des biens essentiels (la nourriture, les soins de santé, ..), ainsi que sur les entreprises et le chômage.